Le plan d’action pour la justice présenté par le Ministre de la Justice le 5 janvier 2023, particulièrement attendu, s’appuie sur le rapport SAUVE de juillet 2022 élaboré à l’issue des Etats généraux de la Justice.
Ce programme ambitieux entend restaurer un état équilibré de l’institution judiciaire civile et pénale par une augmentation budgétaire portée à 11 milliards d’euros pour 2027 et au recrutement de 10 000 agents supplémentaires dont 1500 juges, avec la promesse de meilleures rémunérations et conditions de travail.
Un outil d’évaluation de la charge de travail des magistrats et une autonomie locale en matière immobilière et budgétaire par une plus grande déconcentration des services du ministères sont présentés comme les clés pour y parvenir.
Ces annonces ont été plutôt bien accueillies par le Syndicat de la magistrature (USM).
Autre point phare de la réforme : la réduction des délais, notamment par le développement d’une véritable politique de l’amiable dans le cadre de procédures où le justiciable prendrait part au règlement de son litige.
Deux modèles inspirés des systèmes de droit néerlandais et québécois ont été sélectionnés. Pour le premier, « la césure », le juge intervient en amont pour déterminer la responsabilité et laisse aux partie et leurs avocats le soin de s’accorder sur l’indemnisation. Dans le second, « audience de règlement amiable » le juge homologue un accord préalablement trouvé entre les parties. Ces fonctions seront confiées à des magistrats honoraires et des magistrats à titre temporaire. Ces mesures ont néanmoins été jugées inadaptées par la vice-présidente de l’USM, Cécile MAMELIN qui, face à des conflits avérés, préférerait voir augmenter le nombre de juges plutôt que recourir à des modes alternatifs de résolution des conflits.
Cette déjudiciarisation soulève deux problématiques majeures au regard du droit au procès équitable de l’article 6 de la CESDH : celle de l’accès au juge et celle de la qualité de la justice notamment pour certaines catégories de population dites vulnérables ou en situation de déséquilibre économique et social. Sous couvert de célérité, la tendance court vers une justice de plus en plus privatisée détricotant progressivement les fondements de notre démocratie et le droit d’accès à un juge impartial, dont l’indépendance est garantie par la constitution.
Il sera rappelé que le coût de la médiation incombe aux parties alors que la justice est gratuite. Certains corps professionnels dont les avocats militent pour un plus grand recours à la médiation, pour des questions aussi d’opportunité et de positionnement professionnels. Or si la médiation peut se justifier dans de nombreux litiges qui encombrent les tribunaux, le recours à la médiation doit être particulièrement prudent. Il sera relevé par ailleurs que le débat public concerne surtout le droit civil. Or les juridictions administratives, y compris certains décrets, rendent la médiation préalable obligatoire par seul souci de désengorgement, alors que les matières prévues impliquent des personnes vulnérables voire les tribunaux renvoient quasi systématiquement en médiation les cas de harcèlement moral malgré des procédures pénales en cours.
La matière pénale n’est pas en reste. Si la réduction des délais d’audiencement des correctionnelles apparaît indispensable, la fusion envisagée des enquêtes de flagrance et préliminaires et l’élargissement des perquisitions de nuit aux crimes de droit commun suscitent des inquiétudes en raison des risques de remise en cause des libertés et des droits de la défense.
Il reste que les délais actuels en matière pénale sont tout sauf raisonnables et que certaines plaintes ne sont jamais étudiées faute d’effectifs et de temps ou de priorité pénale.
Enfin, pas de changement pour la surpopulation carcérale, le Garde des Sceaux renouvelle les promesses de création de places en prison (15 000) entre 2017 et 2027 et la réinsertion par le travail pour laquelle seuls 31% de la population carcérale y ont accès.
Il reste que la justice administrative est la grande oubliée de ce projet de réforme, alors que les problématiques en lien notamment avec l’indépendance des magistrats, les délais, le recours au désistement d’office ou la politique par le renvoi en médiation, très peu organisée et structurée, affectent considérablement certains contentieux, en particulier celui de la fonction publique.