La crise du Covid-19 constitue à bien des égards un bouleversement historique qui interroge à l’échelle mondiale le système économique, social et politique.
Elle bouleverse aussi le monde et l’organisation du travail dont c’est notre spécialité. Les choses ne seront certes plus les mêmes, mais elles peuvent être envisagées de façon plus performante et plus humaine, face aux nouveaux enjeux générés par la crise du Covid-19.
La prévention des risques est plus que d’actualité, nous nous faisons une fierté de l’appliquer à nous-mêmes : la profession d’avocat nécessite, au regard des turbulences que nous connaissons depuis plusieurs mois, de profonds changements, au service du justiciable. Dans un métier traditionnellement de l’écrit, à une époque où tout se dématérialise, en particulier pour des questions de sécurité et de performance, il faut repenser les modes de travail.
C’est le temps de la remise en question mais aussi de la modernisation et de l’anticipation.
Nous avons choisi d’adapter notre façon de travailler afin:
- d’assurer la continuité de la prise en charge de l’activité, quels que soient les risques structurels que nous pourrions connaître à l’avenir,
- et d’imaginer une nouvelle relation client prenant en compte à la fois les spécificités de notre profession en termes de relation humaine et les consignes de sécurité sanitaire qui vont se prolonger durant plusieurs mois.
En tant qu’employeur de droit privé, nous avons une obligation de protection de nos personnels et d’adaptation des locaux aux nouvelles normes fixées. Les configurations des cabinets d’avocats liées aux usages des professions libérales, traditionnellement dans des locaux de type anciens appartements, sont souvent peu adaptés aux normes impératives d’accueil du public, particulièrement renforcées en temps de Covid.
Nous vous présentons en conséquence avec fierté les dispositions mises en place pour que rien ne change et même, osons le dire, pour dépoussiérer quelques usages de la profession et donner un nouveau visage au métier d’avocat dans sa relation client.
L’objectif est d’assurer une meilleure proximité, un accès facilité au conseil par la dématérialisation et les nouvelles technologies et un service sur-mesure en fonction des besoins exprimés, notamment sur la transmission des pièces, l’accès aux rendez-vous téléphoniques et la démocratisation des entretiens en visioconférence.
Plus de sécurité, plus de proximité et plus de temps disponible.
Nous espérons que cette nouvelle organisation saura répondre à l’ensemble de vos besoins et nous comptons sur vous pour nous adresser vos idées, vos remarques et vos demandes, sans que la crise majeure que nous traversons ne vienne constituer un nouveau frein à l’accès la Justice.
LES NOUVELLES NORMES DE SECURITE AU TRAVAIL: APPLICATION AUX CABINETS D’AVOCATS
La profession d’avocat est basée sur le contact humain, la proximité avec les clients, souvent en présentiel, et l’échange de documents. Dans ces conditions, l’accueil du public a été rendu impossible durant le confinement total et le sera encore pendant une longue période, au regard des textes et normes de sécurité imposées, en dehors des audiences et convocations impératives par les autorités administratives.
Comme toute entreprise, les cabinets d’avocat doivent se soumettre à des règles strictes d’accueil du public et de protection des personnels.
La grande difficulté à Paris, ce qui a été déjà largement éprouvé durant les grèves, concerne la circulation dans les transports et en particulier l’usage du métro et des trains péri-urbains, dans une zone de forte densité urbaine et de saturation des réseaux.
Le décret n°2020-548 du 11 mai 2020 est venu fixer jusqu’à nouvel ordre les règles de circulation. Elles sont encore très largement restreintes, limitant le transport à la fois des clients mais aussi des personnels des cabinets qui sont invités à télé-travailler au maximum durant encore plusieurs semaines avant la période estivale.
Pour une meilleure compréhension de ces contraintes, nous avons résumé les principales dispositions du décret dans le tableau suivant, avec dans la colonne de droite les applications pratiques à notre cabinet d’avocat.
Dispositions réglementant les transports et l'accueil du public | ||
Article 3 | Il est interdit de sortir d'un périmètre supérieur à 100 km de son domicile sauf pour les motifs suivants: | A ce jour, Paris et l'Ile-de-France sont en zone rouge et les contrôles des déplacements sont particulièrement renforcés. |
Article 6 | L'autorité organisatrice de la mobilité compétente, ou Ile-de-France Mobilités pour l'Ile-de-France, organise, en concertation avec les collectivités territoriales concernées, les employeurs, les associations d'usagers et les exploitants des services de transports, les niveaux de service et les modalités de circulation des personnes présentes dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs, ainsi que l'adaptation des équipements, de nature à permettre le respect des dispositions de l'article 1er du présent décret. | Cet article réglemente l'accès aux transports publics qui doivent gérer à la fois le flux de voyageurs et l'aménagement des équipements. |
Article 13 | Dans les établissements recevant du public dans lesquels l'accueil du public n'est pas interdit, le gestionnaire de l'établissement informe les utilisateurs de ces lieux par affichage des mesures d'hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières ». | Afin d'assurer la sécurité des personnels et du public, des règles d'accueil, de circulation et de modes de travail doivent être mises en place et respectées au sein des cabinets d'avocat comme pour toute entreprise, sous peine d'engager la reponsabilité civile et pénale des employeurs. |
LES MASQUES DE PROTECTION
Compte tenu des fortes perturbations du fonctionnement de la Justice et de l’impossibilité matérielle de pouvoir respecter les gestes barrières, le Conseil de l’Ordre de Paris et celui de Marseille ainsi qu’un syndicat d’avocats ont saisi la juridiction administrative d’un référé-liberté afin que l’Etat mette à disposition masques et gels pour les avocats dans l’exercice de leurs missions au sein des établissements de Justice.
Le manque de matériel expose en effet les avocats dans toutes leurs démarches (audiences, démarches retrait de dossier/dépôt d’actes…) dès lors que beaucoup de prestations ne peuvent être dématérialisées. En outre, cette pénurie met un frein non négligeable à l’accès à la Justice et à l’avocat, en particulier en matière pénale. Ainsi, l’avocat doit faire un choix cornélien entre protéger sa santé, celle de son client, et assurer tout de même la défense de ce dernier dans les meilleures conditions.
Sur cette procédure, le Conseil d’Etat a rendu sa décision le 20 avril 2020. Elle peut être consultée ici.
L’arrêt est particulièrement intéressant en ce qu’il rappelle le contexte de la production et de la distribution des masques en France, l’une des grandes problématiques de la gestion de cette crise.
Le Conseil d’Etat relève que l’Etat français est en situation de pénurie et que les dispositions prises dans le cadre des plans de continuité d’activité des juridictions ont tenté d’aménager au mieux la sécurité. Il souligne également que la priorité doit être donnée aux agents de l’Etat, ce dernier, en qualité d’employeur, ayant une obligation de protection de la santé et de la sécurité de ses agents.
En clair, les avocats doivent se débrouiller.
Nous reproduisons un extrait de cette décision tant il est rare que l’obligation de protection des agents publics soit mentionnée dans une décision administrative: ” il appartient à l’Etat d’assurer le bon fonctionnement des services publics dont il a la charge. Il doit, à ce titre, dans le cadre de la lutte contre le covid-19, veiller au respect des règles d’hygiène et de distance minimale entre les personnes afin d’éviter toute contamination. Il doit également, lorsque la configuration des lieux ou la nature même des missions assurées dans le cadre du service public conduisent à des hypothèses inévitables de contacts étroits et prolongés, mettre à disposition des intéressés des équipements de protection, lorsqu’ils n’en disposent pas eux-mêmes. Cependant, face à un contexte de pénurie persistante à ce jour des masques disponibles, il lui appartient d’en doter d’abord ses agents, à l’égard desquels il a, en sa qualité d’employeur, une obligation spécifique de prévention et de sécurité pour garantir leur santé et, tant que persiste cette situation de pénurie, d’aider les avocats qui, en leur qualité d’auxiliaires de justice, concourent au service public de la justice, à s’en procurer lorsqu’ils n’en disposent pas par eux-mêmes, le cas échéant en facilitant l’accès des barreaux et des institutions représentatives de la profession aux circuits d’approvisionnement. Pour le gel hydro-alcoolique, pour lequel il n’existe plus la même situation de pénurie et les avocats sont donc en mesure de s’en procurer par eux-mêmes, il appartient à l’Etat d’en mettre malgré tout à disposition, lorsque l’organisation des lieux ou la nature même des missions ne permettent pas de respecter les règles de distanciation sociale.”
En pratique, cela a donné lieu à des dispenses d’audiences et un accès à la défense particulièrement restreint. Nous avons détaillé l’impact de l’Etat d’urgence sur le fonctionnement de la Justice sous cette rubrique.
A ce jour, les cabinets ont pu acheter des masques mais la distribution reste difficile, ainsi que pour les gels hydroalcooliques.
PLAN DE DECONFINEMENT
La troisième complexité de la gestion interne du cabinet d’avocat tient à l’application du plan de déconfinement qui doit être mis en oeuvre par l’ensemble des entreprises.
Ce plan est consultable in extenso ici.
Il contient des dispositions impératives à l’attention des salariés et personnels des cabinets d’avocat (et des entreprises en général) mais aussi des clients et des avocats eux-mêmes. Rappelons que ces professions sont particulièrement exposées puisqu’elles ont 31 jours de carence avant de pouvoir bénéficier d’un arrêt maladie pris en charge, ce qui expose les avocats, au-delà du problème sanitaire évident, à un risque économique.
Nous avons résumé les différentes dispositions dans le tableau suivant avec en colonne de droite, les applications que nous avons mises en place au sein de notre structure
Protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés | ||
Philosophie générale du Protocole | Ce protocole a été publié par le Ministère du Travail afin d'aider les entreprise à la protection de la santé et de la sécurité au travail de leurs personnels: | La reprise annoncée le 11 mai 2020 est loin de constituer un retour à la normale. |
Mesures barrières et de distanciation physique | Le protocole rappelle les comportements à adopter en cas de réception du public et de travail dans des espaces ouverts à plusieurs collaborateurs: | L'ensemble de ces mesures impératives fait l'objet d'un affichage au sein des locaux et devra être impérativement respecté par le public et le personnel. |
Recommandations en termes de jauge par espace ouvert | La jauge constitue le taux d'occupation maximale des espaces ouverts au public et en milieu de travail (Avis du Haut Conseil de la santé publique du 24 avril 2020) | Les difficultés liées à ces dispositions résident dans: |
Gestion des flux de personnes | Dans les établissement recevant du public, les flux de personnes doivent faire l'objet d'une analyse rigoureuse. Il faut gérer les périodes d'affluence mais aussi les anticiper et éventuellement les réduire. | Ces dispositions sont certainement les plus difficiles à mettre en place. |
Les équipements de protection individuels (EPI) | Ils sont à utiliser en dernier recours, lorsqu'il est impossible de recourir à une solution de protection collective de nature technique ou organisationnelle. | En fonction des circonstances, il y aura lieu éventuellement d'imposer le port du masque aux clients au sein du cabinet lors des rendez-vous fixés pour motif impérieux, afin d'adapter la sécurité en fonction des locaux disponibles ainsi que d'assurer la protection des salariés considérés comme vulnérables au risque pandémique. |
Les tests de dépistage | A compter du 11 mai 2020, la stratégie nationale de dépistage doit permettre d'isoler les personnes présentant des symptômes de Codid-19 et les personnes ayant été en contact rapproché avec une personne infectée. | Ces dispositions concernent essentiellement le rôle de l'employeur dans la traçabilité et la gestion du risque d'épidémie.
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Le protocole de prise en charge d'une personne asymptomatique et de ses contacts rapprochés | Il revient à l'entreprise, le cas échéant avec la médecine du travail, de rédiger préventivement une procédure ad hoc de prise en charge sans délai des personnes asymptomatiques afin de les faire isoler rapidement dans une pièce dédiée et de les inviter à rentrer chez eux. | Si ces dispositions concernent l'organisation interne des cabinets, il est impératif en revanche que les règles de dépistage soient respectées par les clients afin de ne pas exposer les personnels ni les avocats. |
La prise de température | Un contrôle de température à l'entrée de l'établissement est déconseillé mais le Ministère des Solidarités et de la Santé recommande à toute personne de mesurer elle-même sa température en cas de sensation de fièvre et plus généralement d'auto-surveiller l'apparition de symptômes évocateurs de Covid-19. | Ces dispositions ne font l'objet d'aucune application au sein de notre structure |
Nettoyage et désinfection | Fréquences de nettoyage: | Afin d'assurer la prise en charge effective des conditions de nettoyage imposées par le protocole, nous avons décidé de mettre en place, à compter de la rouverture des locaux au public, une politique de désinfection comprenant le nettoyage régulier des appareils et locaux collectifs (types imprimante et sanitaires) ainsi que l'aération des locaux et le nettoyage des tables de réunions et autres dipositifs susceptibles d'être en contact avec un client ou un personnel après chaque rendez-vous, afin d'assurer la sécurité des personnes internes ou externes au cabinet. |
NOUVELLES METHODES DE TRAVAIL
Pour continuer d’assurer le même service et fournir davantage de proximité à nos clients malgré des règles sanitaires complexes et un nouveau mode de vie auquel il va falloir s’habituer, nous avons mis en place des outils numériques collaboratifs à destination de nos personnels et de nos clients.
Nous utilisons désormais Teams, permettant d’instaurer des canaux de discussion immédiate, des prises de rendez-vous simplifiées notamment en visioconférence et des partages de documents et de dossiers. Plus de mails intempestifs ou de téléchargement de pièces complexes, tout sera ordonné par dossier et par client et accessible directement sur une plateforme partagée.
Nous avons par ailleurs automatisé le traitement des fichiers .pdf pour une meilleure organisation numérique ainsi qu’un système de tampon numérique pour la transmission des actes, bordereaux et pièces dans le cadre de l’application Télérecours (accès aux juridictions administratives). Gain de temps, gestion de l’espace et surtout geste écologique dans une profession travaillant encore essentiellement sur papier.
Les rendez-vous en visioconférence pourront être plus fréquents afin d’assurer une disponibilité adaptable aux besoins des clients.
Pour fixer une réunion en visioconférence, voici la procédure
Un rendez-vous peut être convenu par échange de mail ou téléphone et peut contenir jusqu’à 9 participants. Une fois l’horaire et le jour confirmés, le client recevra un mail de confirmation
Après avoir été accepté, le rendez-vous est inscrit automatiquement à l’agenda de l’avocat et du client via son application mail
Au moment du rendez-vous, il convient de se rendre sur le rendez-vous agenda dans le calendrier et de cliquer sur l’onglet “rejoindre”. Une page web va s’ouvrir donnant le choix de télécharger l’application ou de continuer sur le web. Sur PC, l’option est ouverte, ce qui n’est parfois pas le cas sur Mac. Dans ce cas, il convient alors de cliquer sur “télécharger l’application” qui est gratuite. Cela pourra servir pour les rendez-vous ultérieurs.
Une fois que l’on clique sur “Participer sur le web à la place”, la réunion se déclenche.
Attention de bien brancher la caméra et le micro. Il est possible de paramétrer les options dans “Périphériques”. L’application permet un partage d’écran, de documents et d’un tableau pour illustrer les propos tenus.
Nous créons par ailleurs une nouvelle page sur le site Armide “Espaces client” qui se subdivise en deux parties
L’espace “Nouveau client” permettra de prendre rendez-vous en ligne avec disponibilité immédiate des dates de rendez-vous, paiement en ligne et correspondance dématérialisée avec le cabinet pour la transmission des pièces utiles à la première consultation, de façon personnalisée en fonction de la demande.
L’application fonctionne sur le même principe que doctolib pour les médecins et a été spécialement conçue pour Armide.
L’espace “Vous êtes déjà client” permettra le suivi dématérialisé des factures en cours, le détail des diligences (notamment pour transmission aux protections juridiques ou dans le cadre de la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle) et à terme, des actes et documents collaboratifs sur une plateforme totalement sécurisée.
Ces services seront mis en place le 25 mai prochain et permettront un échange dématérialisé et confidentiel avec chacun de nos clients dans le strict respect de nos obligations déontologiques et de la protection des données.
Les nouvelles méthodes de travail numériques imposées par le confinement nous ont ainsi permis de réformer la relation client traditionnelle entre l’avocat et le client et, contrairement à ce que les gestes barrières peuvent laisser penser, à créer davantage de proximité et de convivialité.
D’autres applications collaboratives sont en cours de développement et devraient être mis en ligne dans le courant du deuxième semestre 2020.