Dans un arrêt en date du 16 juillet 2014, le Conseil d’Etat vient de préciser à nouveau les modalités de prise en charge d’une tentative de suicide dans le cadre de la procédure d’accident de service en créant une véritable présomption d’imputabilité et en mettant à la charge de l’administration employeur la preuve contraire.

En l’espèce, la requérante, fonctionnaire territoriale, avait tenté de mettre fin à ses jours sur son lieu de travail pendant ses horaires de service le 28 avril 2009. Elle avait ensuite adressé à son employeur une déclaration d’accident de service. La commission de réforme saisie avait établi un lien unique, direct et incontestable entre la tentative de suicide et le service. Néanmoins, la collectivité a refusé de reconnaître l’imputabilité. L’arrêté de refus qui en a découlé a placé la requérante en simple congé maladie ordinaire et c’est en l’état qu’il a été contesté.

Le tribunal administratif de BORDEAUX, dans un jugement du 13 juin 2012 (n°10000420), a rejeté la demande d’annulation de l’arrêté. Ce jugement a été déféré directement devant le Conseil d’Etat puisqu’à l’époque, en l’absence de demande indemnitaire, la voie de l’appel n’était pas ouverte. La question de droit posée au Conseil d’Etat était ainsi de savoir si le fait que la tentative de suicide ait eu lieu dans les heures de service et sur le lieu de travail suffisait à caractériser l’imputabilité au service de ce geste.

Le Conseil d’Etat pose ainsi une démonstration en trois temps:

– un accident, quel qu’il soit, survenu sur le lieu de travail et dans le temps du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal présente le caractère d’un accident de service, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service,

– il en va également ainsi , en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service,

– le juge doit se prononcer au vu des circonstances de l’espèce, ce qui suppose une appréciation in concreto.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat confirme que la tentative de suicide est bien un accident.

Le Conseil d’Etat pose ainsi une présomption d’imputabilité si la tentative de suicide ou le suicide ont lieu sur le lieu de travail pendant le service, y compris même dans toutes circonstances où un lien direct avec le service peut être rapporté (ce qui laisse entendre hors du lieu de travail et en dehors des heures de travail), en appréciant in concreto au vu des éléments de fait rapportés par les parties.

Le tribunal administratif avait mis à la charge de la requérante la preuve d’une cause certaine, directe et déterminante d’un état pathologique se rattachant au service. Or le Conseil d’Etat rappelle la présomption d’imputabilité en indiquant que si le tribunal administratif avait constaté que la tentative avait un lien direct avec le service parce qu’elle s’était produite sur le lieu de travail et durant les horaires de service, il devait simplement vérifier si d’autres circonstances particulières permettaient de regarder cet événement comme détachable du service.

Cet arrêt a le mérite de poser la charge de la preuve de l’accident de service en cas de suicide et se veut plus protecteur de l’agent victime, dans une mouvance relativement homogène en ce sens des juridictions.(voir notre article “Comment apprécier l’imputabilité au service d’un suicide” – janvier 2013)