Me Christelle Mazza a développé une expertise pointue en matière de harcèlement scolaire, des suites de l’introduction en 2019 seulement de dispositions spécifiques dans le code de l’éducation pour prévenir le phénomène, à la suite de nombreux drames, tant en droit administratif (Responsabilité de l’Education nationale) que pénal (Responsabilités individuelles: direction d’école, enseignants et auteurs mineurs des faits)
Par ordonnance en date du 7 mai 2021, Me Christelle Mazza a fait reconnaître devant le juge administratif une nouvelle liberté fondamentale: le droit de ne pas être exposé à un harcèlement scolaire. (TA MELUN, n°2104189, 7 mai 2021). Nous avons puisé dans tous les textes internationaux garantissant la protection de l’enfance, en particulier dans le cadre de l’accès à l’éducation, en nous inspirant de la jurisprudence en vigueur sur le harcèlement moral au travail.
Nous croyons fortement qu’un changement de société passe avant tout par la prévention de l’atteinte à la dignité et par l’éveil à l’altérité dès le plus jeune âge.
“Aux termes de l’article L511-3-1 du code de l’éducation: « Aucun élève ne doit subir, de la part d’autres élèves, des faits de harcèlement ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions d’apprentissage susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale. ». Le droit, pour un élève, de ne pas être soumis à un harcèlement moral de la part d’autres élèves constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Le caractère manifestement illégal de l’atteinte doit s’apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a, dans ce cadre, déjà prises.”
En l’espèce, le juge, après avoir constaté l’existence du harcèlement scolaire, a considéré que les mesures prises par l’école de séparation physique des enfants, étaient suffisantes. Néanmoins, le harcèlement a repris à quelques occasions durant lesquelles l’enfant harceleur a recroisé l’enfant victime. La question de la réparation se pose dès lors que l’école aura persisté à pratiquer une attitude de déni de la situation, sans aucune prise en compte, malgré des rapports accablants des services sociaux et de la médecine, de la souffrance de l’enfant victime, dans un souci de réhabilitation et de réparation.
Le chemin est encore long pour la prise en compte de ces phénomènes: cette décision responsabilise l’école, centre de vie quotidien des enfants, où se déroulent de nombreux drames, en écho aux phénomènes de société que l’on retrouve plus tard, sous d’autres formes, dans le monde du travail. Mêmes causes, mêmes conséquences: une méconnaissance, souvent, de l’ampleur du phénomène et des symptômes d’alerte chez les enfants et adolescents, en termes notamment de risque suicidaire et de syndrome dépressif.
Le harcèlement scolaire, qui oeuvre selon les mêmes mécanismes que n’importe quel harcèlement moral, procède néanmoins de facteurs propres à l’âge des victimes et auteurs. On ne peut qu’encourager les professionnels de l’école et de l’enseignement à être formés à la reconnaissance de ces phénomènes afin de prévenir les risques, en particulier en matière de cyberharcèlement. Au-delà de l’ouverture d’une nouvelle voie contentieuse visant à protéger un enfant victime dans un délai de 48h contre les atteintes les plus graves, il est regrettable de constater que les moyens de lutter contre ce phénomène relèvent non seulement d’une prise de conscience effective de l’environnement scolaire, mais également d’une responsabilisation des parents dans l’éducation à la dignité et au respect.
Au juge des libertés fondamentales d’ouvrir une nouvelle voie jurisprudentielle visant à mettre en oeuvre des mesures fortes de protection, une fois que les faits sont remontés.
Ce combat est mené au sein d’Armide pour l’enfant T., formidable petit d’homme courage de 7 ans, mais aussi en hommage à tous ceux qui se sont suicidés ou qui souffrent en silence, en particulier pour Evaelle. Dans le cadre d’une instruction judiciaire en cours, une enseignante et trois élèves de 11 ans au moment des faits ont été mis en examen pour la première fois, des suites du suicide de cet enfant. (A suivre dans Le Monde)